dimanche 20 octobre 2013

La mystérieuse affaire de Styles d'Agatha Christie


Présentation
Emily Inglethorp est riche et mariée à un homme beaucoup plus jeune qu’elle. Aussi, lorsqu’elle meurt empoisonnée, les soupçons se portent sur le jeune époux, Alfred Inglethorp. Le colonel Hastings, en visite à Styles Court, mène l’enquête avec le brillant Hercule Poirot, car la vérité pourrait bien être plus complexe.

Mon avis
Je pense avoir battu mon record de lenteur : je ne saurais même pas dire quand j’ai commencé ce roman. Agatha Christie n’y est pour rien, je dois plutôt blâmer mes difficultés de lecture persistantes, mon immense fatigue et le manque de temps. Pourtant, je suis heureuse d’avoir relu La mystérieuse affaire de Styles, qui introduit Hercule Poirot (et je promets de ne pas rédiger un billet dont la longueur serait proportionnelle à la lenteur de ma lecture).
Je n’avais pas le moindre souvenir de ce roman, lu en 6ème ou en 5ème. On trouve ici les ingrédients habituels du roman d’énigme: Hastings en est le narrateur, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il est nettement moins malin que Poirot. Il a cependant le côté « conducteur de lumière » évoqué par Holmes à propos de Watson : ses échanges avec le détective belge éclairent parfois ce dernier, sans qu’il sache bien pourquoi… Le détective amateur, qui est plutôt un ex-professionnel exilé, a sous le regard de Hastings un côté un peu ridicule, loufoque, mais la suffisance dont il peut faire preuve n’apparaît pas vraiment dans cette première enquête. Il est surtout belge, continental, non-britannique, ce qui le rend étrange et amusant aux yeux de nos personnages so british.
L’enquête est typique elle aussi, dans cette demeure bourgeoise un peu figée, et l’on a à la fin la fameuse confrontation pendant laquelle Poirot réunit tous les protagonistes pour révéler le nom du coupable et la force de son intelligence. Je me suis bien entendu laissé mener par le bout du nez… Enfin, j’ai savouré mon petit retour aux origines de Poirot, j’ai pu mesurer à quel point il enquête selon une méthode rigoureuse, fondée sur l’observation des traces, des indices, sur la formulation d’hypothèses qu’il met ensuite à l’épreuve des faits. Pas de quoi me faire délaisser mon cher Sherlock, mais c’était plaisant.
Bref, même si mon plaisir de lecture a pu être gâché par mon extrême lenteur, j’ai apprécié de (re)lire La mystérieuse affaire de Styles

Pour qui ?
Pour les amateurs de Cluedo.

Le mot de la fin
Ouf !

Agatha Christie, La mystérieuse affaire de Styles (The Mysterious Affair at Styles), Le Masque, 2012. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Thierry Arson. Publication originale (GB) : 1920.


mardi 8 octobre 2013

Nue de Jean-Philippe Toussaint


Présentation
Nue est le quatrième et dernier volet de l'ensemble romanesque consacré aux amours du narrateur et de Marie, entre présence et absence, entre accomplissement et rupture.

Mon avis
Sans être une inconditionnelle, j’aime beaucoup l’oeuvre de Jean-Philippe Toussaint, découvert avec La télévision (un incontournable). J’ai retrouvé ici le personnage de Marie, sa relation chaotique avec le narrateur, les univers étonnants dans lesquels ils se meuvent, Paris, Tokyo, l’île d’Elbe. Il y a un prologue somptueux, l’évocation d’une robe de miel rêvée par Marie, du défilé où elle est présentée, et il y a dans ces pages tout le talent de Jean-Philippe Toussaint. Le récit se déploie ensuite en deux parties. La première évoque le retour de l’île d’Elbe, le silence de Marie, l’absence, le sentiment amoureux. Cette partie traite longuement du vernissage d’une exposition de Marie au Japon, à laquelle le narrateur assiste clandestinement; c’est aussi le moment où Marie rencontre Jean-Christophe de G. (dont il a été question dans La vérité sur Marie). La deuxième partie marque le retour de Marie dans la vie du narrateur: elle veut le voir, a quelque chose à lui dire. Ce sera un retour, en hiver, à l’île d’Elbe, la poursuite d’un amour, la poursuite d’une rupture.
Je suis déjà triste à l’idée que ce volume soit le dernier concernant Marie, concernant cet amour. C’est superbement écrit: l’absence, la douleur, les ambivalences et la complexité du sentiment amoureux, tout y est. On en connaît un (au moins!) qui a magnifiquement écrit tout cela, et c’est vrai que par moments, Jean-Philippe Toussaint me fait penser à Proust dans cette évocation du sentiment amoureux et de l’être aimé, qui se dérobe autant qu’il s’offre. Evidemment, leurs styles sont très différents, et l’écriture et le récit de Jean-Philippe Toussaint sont tout en concision. Il y a quelque chose de commun aussi dans la manière de “boucler”: hiver pour le premier volume, Faire l’amour, automne-hiver pour Nue; l’île d’Elbe aussi, lieu où tout finit, mais les fins ont des allures de commencement tout autant que de rupture. Et le roman se termine sur cette question de Marie, et tout est dit: “Mais, tu m’aimes, alors?”


Jean-Philippe Toussaint, Nue, Editions de Minuit, 2013.

dimanche 6 octobre 2013

Billie d'Anna Gavalda


Présentation
Billie et Franck sont dans un ravin. Franck ne bouge plus, il est (peut-être) dans le coma. Billie revient sur l’histoire de Billie et Franck.

Mon avis
Avant toute chose, je ne fais pas partie des lectrices d’Anna Gavalda. J’ai lu, à sa sortie, Je voudrais que quelqu’un m’atttende quelque part, que j’avais aimé mais dont je n’ai aucun souvenir. Et je n’ai lu aucun des romans qui ont ensuite installé Anna Gavalda comme un phénomène éditorial français. Autrement dit, j’ai lu ce nouvel opus sans le comparer à ses œuvres précédentes.
J’ai eu envie de lire Billie car j’ai aimé l’interview accordée par l’auteure à Lire. Je n’aurais sans doute pas sauté le pas si je n’avais vu le stupéfiant prix du livre en numérique (4,99 € contre 15 € dans sa version papier), je dois être honnête. Si j’ai bien compris, Anna Gavalda envisageait un retour à la nouvelle, mais le personnage de Billie s’est imposé dans ce qui est tout de même un court roman. Est-ce de là que vient le côté bancal de ce récit ? Je ne sais.
La construction devient plus simple, plus claire dans la deuxième moitié mais au début, franchement, ces incessants allers-retours entre le passé et le présent – présent purement commentatif puisque les deux protagonistes sont coincés dans un ravin – m’ont semblé alambiqués et pour tout dire pénibles. Ce manque de fluidité a bien failli me faire abandonner le roman.
Par ailleurs, je n’ai pas été convaincue par le personnage de Billie, ni par celui de Franck, pour tout dire. Franck manque d’épaisseur, le personnage n’est pas assez développé. Billie est un personnage haut en couleurs, dont Anna Gavalda a travaillé avant tout la voix, et de fait, j’entends sa voix (réussite sur ce plan-là) mais je n’y crois pas. Il y a de jolies trouvailles, en tout cas des phrases bien tournées, mais je n’entends pas une adolescente ni même une jeune femme. Non, j’entends un auteur qui s’amuse avec de bons mots, des tournures piquantes, qui pratique un humour gouailleur. Il est arrivé que je me fatigue de cette introspection. Et puis les personnages sont tout de même caricaturaux, peut-être à cause du format. Pour résumer, Billie grandit chez les Thénardier, Franck est une simplification de jeune homosexuel que son père (lui-même un pantin caricatural) n’accepte pas.
Je crois aussi que je manque de la naïveté (au bon sens du terme) requise par cet univers qui finit par enchanter la grisaille et la crasse. Difficile de biberonner au roman noir et de passer à Gavalda ? Peut-être. En tout cas, l’épiphanie sur fond de théâtre, je n’y crois pas, pas plus que je ne crois à la soudaine sortie de l’eau des deux personnages. Je sais que c’est en partie cela qui fait le succès d’Anna Gavalda, et j’aimerais être embarquée, vibrer, me réjouir, mais rien à faire, je n’y crois pas, je ne peux pas, j’achète pas.
Je n’aimerais pas cependant que vous pensiez que j’ai détesté ce roman, ce n’est pas le cas. Je ne me laisse pas séduire, mais jamais je n’ai été agacée. Le fait est que je cherche désespérément, ces derniers temps, un roman capable de m’emporter et de me faire vibrer d’énergie positive, et… je n’y arrive pas.

Pour qui ?
Pour tous ceux qui parviennent à se laisser bercer par un doux conte, de ceux qui commencent avec de vilains ogres et qui finissent par… mais chut !

Le mot de la fin
Pas ma came (dirait Billie).


Anna Gavalda, Billie, Le Dilettante, 2013. Lu en e-book.

samedi 5 octobre 2013

Nord de Frederick Busch


Présentation
Jack revient dans le Nord, le nord des Etats-Unis qu’il a quitté après l’enquête relatée dans Filles, lorsqu’il était vigile à l’université, et après le délitement complet de son mariage. Il passe quelques années dans le sud, et par un beau soir, vient au secours d’une femme dans un bar : elle n’est pas en danger à proprement parler, simplement sur le point de se faire humilier par un bellâtre un poil gigolo. Cette rencontre va le mener à New York, puis dans le nord, dans une petite ville (imaginaire) nommée Vienna, à la recherche du neveu de cette femme, Merle. A quelques kilomètres du lieu où il a vécu avec Fanny, il retrouve ses vieux amis Elway et Sarah, alors qu’Elway se meurt d’une leucémie. Il est temps de solder les comptes avec les vieux fantômes.

Mon avis
Voilà un roman qui aurait pu s’appeler Fantômes et vous l’aurez compris, ce n’est pas follement gai. Allez comprendre, je me faisais une joie de retrouver Jack, j’avais été séduite par l’univers de Filles, par le froid mordant, le désespoir du personnage, la dureté tragique de Fanny, la quête sans espoir de ces jeunes disparues. La lecture de Nord m’a un peu moins enthousiasmée, pourtant mon impression en refermant le roman est très positive.
Une lecture moins enthousiasmante ? Le fait est que la quête de ce jeune homme est largement éclipsée par le côté à la fois contemplatif et introspectif de ce retour de Jack sur ses propres traces. Il y a de belles pages sur ce coin un peu désolé des Etats-Unis, sur la nature puissante, mais alors que dans Filles, l’enquête nourrissait le désespoir de Jack, ici elle est un prétexte – y compris pour lui – à ce retour en arrière, et cela crée un certain déséquilibre. Comme mon rythme de lecture est encore chaotique (œil de lynx is talking to you), j’ai parfois été à deux doigts de l’ennui.
Une impression finalement positive ? Oui, parce que le dernier tiers voit le rythme s’accélérer, l’enquête prend sens, la quête de Jack trouve certaines réponses, ou du moins les apporte au lecteur. Les comptes se soldent peu à peu, et Frederick Busch offre même une fin presque satisfaisante. C’est d’ailleurs intéressant, parce que c’est une fin qui peut ouvrir vers un troisième volume aussi bien qu’une conclusion satisfaisante : Frederick Busch étant mort en 2006, un an après la parution de Nord, inutile de préciser qu’il faut l’envisager comme une conclusion.
J’ai décidément beaucoup de tendresse pour le personnage de Jack, ce mélange de anti-héros de roman noir et d’originalité par rapport aux codes du genre. Frederick Busch excelle dans la construction, et pour autant que la traduction s’efforce d’en rendre compte, j’aime l’écriture de cet auteur. Sans fioritures, sans pathos, mais qui sait en un clin d’œil créer une atmosphère, suggérer un état d’âme, bouleverser avec peu de mots.
Une dernière chose : je ne vois pas comment on peut aborder Nord sans avoir lu Filles. Difficile de suivre Jack dans son cheminement introspectif et expiatoire sans connaître son parcours et son chemin de croix. Filles et Nord constituent un diptyque somptueux.

Pour qui ?
Pour les amateurs de noir qui n’ont pas peur des personnages sans espoir.

Le mot de la fin
Nordique (mais pas scandinave).




Frederick Busch, Nord (North), Gallimard, 2010. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Stéphanie Levet. Disponible en Folio Policier. Publication originale : 2005. Lu en e-book.